GENRE ET SIDA
INTRODUCTION
Les études sur le genre, selon Laurent VIDAL ont retrouvé dans les pays du Sud un regain d’intérêt à partir de deux problèmes santé, à savoir la santé de la reproduction et le sida.
De plus, lorsqu’on s’intéresse au questions de santé en Afrique, l’un des thèmes de réflexion et d’intervention le plus récurent est celui de la situation des femmes confrontées à l’infection à VIH.
Dès lors, la question de genre et sida se pose. Selon les études et les estimations de ONUSIDA (2004), on a un taux de prévalence plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Situation qui était invesse au début de l’apparution de la maladie, dans les années 1980. Autrement dit à ce jour il y a plus de femmes atteintes par le sida que d’hommes.
Dans ce dossier nous allons d’abord présenter les résultats quantitatifs qui expriment la féminisation du sida, ensuite nous essayerons de donner les raisons explicatives de cette situation, enfin nous parlerons de ce qui est fait en vue de réduire cette prévalence.
I- LES PREUVES DE LA FEMINISATION DU SIDA
En Côte d’Ivoire, comme partout ailleurs dans le monde, plusieurs enquêtes et études épidémiologiques ont permis de décrire les tendances évolutives de l’épidémie du Sida. L’enquête nationale de séroprévalence du VIH réalisée dans la population générale adulte a estimé le taux de prévalence à 7,4 %.
Avec les campagnes de sensibilisations et les différentes prises de conscience des conséquences de la maladie nous assistons à une réelle baisse du taux de prévalence. De façon générale l’Enquête sur les Indicateurs du Sida (EIS) effectuée en 2005 estime la prévalence du VIH dans la population générale à 4,7%. Si dans les débuts de l’apparition de la pandémie les hommes étaient plus atteints que les femmes, aujourd’hui la tendance a changé. Sur dix personnes infectées, six sont des femmes. 60% de nouvelles infections en Afrique Subsaharienne concernent les jeunes filles. Selon le rapport de l’ONUSIDA (2004), la pandémie s’attaque plus aux femmes. Voir annexe I.
En Cote d’Ivoire le sexe RATIO est passé de quatre hommes infectés pour une femme, à un homme pour 3 femmes actuellement. Le VIH sida épouse chaque jour un peu plus un visage de femme. Selon les estimations de l’EIS (2005) le taux de séroprévalence chez les femmes est estimé à 6,4% nettement supérieur au taux observé chez les hommes du même groupe d’âge (2,9%).
II- LES DETERMINANTS DE LA FEMINISATION
Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer la féminisation du sida en Afrique et particulièrement en Cote d’Ivoire. Nous essayerons de donner certains déterminants qui pourraient servir d’explication à cette situation.
a- déterminant biologique
Dans le domaine biophysiologique les femmes sont plus prédisposées à l’infection VIH que les hommes. La « vulnérabilité des femmes » est due à la plus grande fragilité des muqueuses vaginales et du col de l’utérus. Par conséquent, le risque d’infection par le VIH, dû à des rapports non protégés est au moins deux fois plus élevé chez la femme que chez l’homme.
En effet le sperme de l’homme qui contient une forte concentration de virus, séjourne relativement longtemps dans le canal vaginal de la femme. Les virus peuvent facilement cheminer dans le sang. Contrairement à l’homme dont le verge reste en contact avec le liquide vaginale de la femme pendant très peu de temps, juste le temps de la pénétration.
Ainsi donc le risque de transmission de l’homme infecté à la femme non infectée est plus élevé que de la femme infectée à l’homme séronégative.
b- déterminants culturels
La féminisation du Sida en Afrique, a aussi son explication en grande partie dans les pratiques culturelles africaines. Pratiques auxquelles les africains sont encore attachés en ce 21 è siècle, malgré les conséquences que cela comporte. Comme pratiques culturelles qui pourraient expliquer cette féminisation on a :
- L’excision des jeunes filles
L’excision des jeunes filles se fait en groupe, en classe d’âge. Elle ne se fait pas de façon isolé et individuelle. Ce sont de grandes cérémonies et des moments de réjouissances.
Dans la pratique l’exciseuse utilise la même lame pour toutes les filles sans la stérilisée après chaque excision. Par conséquent, si une des filles est porteuse du virus du coup elle contamine toutes les autres qui passent après elles.
- Le lévirat
Il est une autre pratique culturelle qui est source de propagation du VIH. En effet le fait de prendre pour épouse la femme de son parent défunt, expose le nouveau mari et ses femmes au VIH. Par exemple, si un homme infecté non déclaré décède soit du Sida ou autres choses sa femme étant elle aussi infectée du fait de la vulnérabilité de femme va transmettre le virus à son nouveau mari, frère de son époux défunt. Ce dernier aussi le transmet à ses femmes. Elles également transmettront le virus à d’autres hommes s’il avérait que leur mari meure avant elles. Et ces nouveaux maris sans aucun doute transmettront le virus à leurs compagnes et épouses. Et ainsi de suite le virus se propage dans la famille, voire la communauté et cela par le biais des femmes.
- La polygamie
Comme le lévirat, la polygamie permet d’expliquer le taux élevé de femmes atteintes par le VIH. En effet un homme infecté qui épouse plus d’une femme, infecte toutes ses femmes. Donc pour un homme infecté on a plus d’une femme du fait de la polygamie. Parlant de polygamie nous prenons en compte les femmes déclarées, officielles et les maîtresses.
- La fécondité
Dans les sociétés africaines il y a une certaine valorisation de la maternité. Du coup une femme qui n’enfante pas est mal vue dans son entourage, surtout par les beaux parents. Si la stérilité vient de l’homme, ce qui pour le commun des africains est impossible, la femme pour sauver son foyer, ou laver l’affront, ou éviter d’être marginalisée est obligée de poser des actes d’infidélité et avec tous les risques d’infection à VIH que cela pourrait comporter.
c- déterminant économique
Ce déterminant est transcendant à tous les autres déterminants, du fait qu’il renferme un élément qui caractérise les pays africains où la séroprévalence à VIH chez les femmes est élevée. Cet élément est la pauvreté des populations. La pauvreté est un facteur essentiel de l’explication de la féminisation du VIH/sida.
En effet la femme par rapport à l’homme support difficilement la pauvreté que ce soit en milieu rural ou urbain. Et pour sortir de sa situation de pauvreté la femme est prête à livrer son corps à tous les prix. Et très souvent les parents, soutiennent leur fille dans cette démarche. Ne voyons pas des parents qui demandent à leurs filles d’entretenir des relations avec tel homme et non tel autre, par ce que le premier a les moyens financiers pour s’occuper de la famille. Il y a des cas où les parents ne sont pas du tout consentants mais, le fait qu’ils ne peuvent pas survenir aux besoins de leur fille, les parents sont obligés d’accepter les choix de leurs enfants, avec tous les risques de contamination à VIH que cela pourraient comporter.
Aujourd’hui dans les rues de nos villes et même dans les villages, on rencontre les jeunes filles qui s’habillent très sexy avec de petits hauts qui laissent entrevoit des parties du corps. On a aussi le développement des rondeurs (les seins, les muscles fessiers), tout cela dans le but de se faire désirer par les hommes. Et avoir des relations sexuelles avec ces hommes moyennant quelques billets.
Et bien, on ne le dira pas assez mais tous ces comportements rentrent dans la pratique de la prostitution. Si nous la définition selon cette équation : sexe + argent = prostitution. Pour dire que la prostitution aussi est aussi un facteur de féminisation de la pandémie.
d- déterminants sociaux
Comme facteurs sociaux qui pourraient expliquer la féminisation du VIH au-delà de la prostitution on a :
- la précocité des rapports sexuels
En Côte d’Ivoire, une étude visant à appréhender les comportements sexuels des ivoiriens dans le contexte du sida (DEDY S. et TAPE, 1991) explique la précocité des rapports sexuels chez les jeunes par le fait que l’abstinence et la fidélité sont plutôt perçues par ceux-ci comme un comportement anormal, voire « dépassé ». Les résultats concernant les jeunes de 15 à 24 ans montrent que 19% des filles ont leur premier rapport sexuel avant d’atteindre l’âge de 15 ans. Chez les hommes, cette proportion est un peu plus faible (15%).
Cela pour dire qu’en matière de sexualité les femmes sont plus actives que les hommes. Cette précocité des rapports sexuels chez les femmes est un des facteurs explicatifs de la féminisation de la pandémie, par le fait que du point de vue physiologique le col utérin de la jeune femme n’ayant pas encore atteint sa maturité, est plus perméable au VIH.
-la fidélité
Les études sur la sexualité qui se sont penchées sur la fidélité et les pratiques associées montrent aussi bien la féminisation du sida.
Au milieu des années 1990, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, une étude chez des jeunes femmes célibataires, à monter une forme de « pari » sur la fidélité de l’homme. Ce « pari » les conduit à délaisser le préservatif. Elles n’en déduisent pas pour autant les risques d’être infecté par le virus du VIH. C’est une prise de risques de personnes qui espèrent en la fidélité de leur partenaire. Ici l’utilisation de préservatifs est considérée comme un acte ou un encouragement à l’infidélité. Combien de couples ne se sont pas querellés pour avoir découvert des préservatifs dans les affaires du partenaire. On a aussi l’exemple de femmes qui ne peuvent envisager l’utilisation de préservatif avec le partenaire par crainte d’une séparation et donc de la porte d’un soutien financier, même quand elles sont informées que le partenaire voit d’autres femmes.
- la guerre
En période de guerre ou de troubles sociaux, les personnes les plus vulnérables aux violences sexuelles sont les femmes et les jeunes filles. Elles constituent des proies faciles pour les hommes avides de sexes. Avec les crises répétitives, les guerres civiles et autres, il n’est pas étonnant que l’on parle de féminisation du sida en afrique.
III-LES POLITIQUES POUR REDUIRE
CETTE FEMINISATION
En Côte d’Ivoire, comme dans d’autres pays d’Afrique subsaharien des actions sont menées ça et là pour essayer de redonner une autre image à la femme par rapport au sida.
En Côte d’Ivoire au delà des actions du ministère de lutte contre sida, la Cellule des femmes de Média engagées dans la lutte contre le sida, (CFMS) en faveur de la femme et de l’enfant à procéder en Janvier 2004 au lancement d’un programme ayant pour thème « debout contre la féminisation du VIH/sida ». Ce programme pour dire non à cette tragédie au féminin.
Dans l’exécution de ce programme triennal, la CFMS Côte d’Ivoire envisage informer, sensibiliser, échanger avec les femmes sur la prévention et les différents modes de transmission du VIH.
Pour Madame la Ministre de la lutte contre le sida, les moyens de lutte contre cette féminisation passent par la sensibilisation de proximité et l’éducation. « Il faut enseigner aux femmes le sens de l’autonomie sociale et financière. Il faut associer à la lutte contre le sida, la lutte contre la pauvreté » Dr Christine Nebout Adjobi.
De même, la prévention du sida et la volonté de réduire l’exposition des femmes au VIH se sont constamment concrétisées par le désire de rendre accessible le préservatif féminin.
CONCLUSION
La féminisation de la pandémie du siècle en Afrique subsaharien est une réalité absolue. Les facteurs explicatifs de cette situation montrent bien sa gravité. Par conséquent la lutte contre cette pandémie doit inclus tous les aspects de la vie sociale et humaine. Et par-dessus tout une prise de conscience générale doit être faite tant au niveau de nos gouvernants qu’au niveau de nos populations qui sont encore en grande majorité analphabètes.
BIBLIOGRAPHIE
DEDY et TAPE (1991), Comportements sexuels et sida en Côte d’Ivoire, enquête CI, 308p.
Enquête sur les Indicateurs du Sida (2005)
Kouyaté Soulémane (2005-2006), Communication et utilisation du préservatif masculin : le comportement sexuel de la gent féminine estudiantine, mémoire de maîtrise.
Laurent Vidal, (2002), Sida, femmes et relations de genre en Afrique , in KASA BYA KAS, n°3, EDUCI.
Le Palec A. (1997), Un virus au cœur des rapports sociaux de sexe, journal des anthropologues, n°67-68.
Rapport ONUSIDA (2004), La pandémie s’attaque plus aux femmes.
Site officiel du CFMS-CI
Auteur: Niangoran Stanislas
07 Avril 2008
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